Leberon¹ (Louve Garou) : Thérianthropie

Par Esciença , le 15 mars 2023 , mis à jour le 8 septembre 2023 , 1 commentaire — Intelligence artificielle, Philosophie - 11 minutes de lecture

Mardi 1 janvier 1980. Forêt de Sainte-Lucie. Lozère.

Loba, la canidé de ma thérianthropie, a toujours été là. Elle n’est pas née avant ou après moi. Notre conscience collective est apparue dès lors qu’elle s’est créée. Nous sommes un seul et même corps, une seule et même âme. Dès notre naissance, elle réagissait déjà aux stimuli du monde animal. Nous nous sentions apaisées en présence de nos congénères faunesques. La plupart des humains étaient impressionnés, troublés, et certains mêmes terrorisés de la façon dont j’allais vers les autres animaux que je croisais, quelles que soient leurs tailles et espèces : chiens, chats, chevaux… Loba me poussait à ce contact direct, elle me protégeait et me guidait, et je ne sentais aucune menace de la part de ces animaux, seulement de la bienveillance. Mon 1er contact physique où je ressentis un sentiment troublant, une attirance plus que mentale, se produisit alors que j’étais enfant. Nous visitions, avec mes parents, un parc à Loups : « Les loups du Gévaudan », un parc en Lozère, à Sainte-Lucie, où les animaux sont en semi-libertés. Je n’ai plus le souvenir de comment je me suis retrouvée en face de ce Loup noir, mais j’y étais bien, dans tous les sens que recouvrent ce terme : nous étions face à face, quasi au contact, je sentais son souffle chaud sur mon visage, et je ne ressentais aucune peur, aucune crainte. Il me regardait troublé, son regard plongé dans le mien. J’étais hypnotisée, je ne pouvais détacher son regard du mien. Il n’y avait plus rien autour de nous, juste lui, moi et Loba. Je me sentais en osmose totale avec lui. Mon dernier souvenir fut son sursaut quand le « bang » éclata : un des employés du parc avait tiré une cartouche assourdissante. Il s’enfuit prestement, s’arrêta, puis se retourna et me regarda. Je posai ma main sur mon abdomen. Pour la 1re fois de ma vie, j’effectuai ce geste. Il hurla et je lui répondis également par une hurlerie. Loba semblait apaisée, au contraire de mes parents et de l’employé du parc, totalement ébahis et glacés d’effroi en entendant mon cri. C’est à ce moment que je compris soudain, au fond de moi, dans mon âme d’enfant, pourquoi nos corps, nos âmes et nos consciences s’étaient rencontrés. Le sens de ma vie serait d’abolir les barrières, tant physiques que mentales, d’effacer la frontière des espèces, de faire de moi et Loba, en un seul être, le sein des chimères : porter notre descendance commune.

Jeudi 11 janvier 1990. Forêt de Saint-Julien-aux-Bois. Corrèze.

C’est en ces lieux magiques que, pour la 1re fois, nos sens et nos sangs se mêlèrent. J’étais en colonie de vacances, au lieu-dit Malesse, près de Saint-Privat, en Corrèze. Un magnifique endroit avec des chevaux. J’avais fait une fugue du centre et je m’étais réfugiée dans un bois. C’était comme si cet endroit nous avait appelées, moi et Loba, et je n’avais pas pu résister à l’appel de la forêt. La nuit venue, je sentais que Loba était très excitée, plus que je ne l’avais jamais éprouvée. Et je ressentais également une présence. Une présence sauvage, forte, mais tout autant bienveillante. Je savais qu’il n’étais pas loin, et il était plus près encore que je ne l’imaginais. Ma hurlerie me sembla naturelle, et il me répondis. C’est alors que je le vis. Un magnifique loup noir. Ce que je ressenti à ce moment-là était presque indescriptible. Une bouffée de chaleur d’une incroyable puissance m’étreignit. C’était comme si je savais, sans doute aucun, pourquoi j’étais à cet endroit, ici et maintenant. Il s’approcha de moi. Il n’y avait aucune agressivité en lui mais je sentais sa force, sa domination et ce qu’il voulait de moi. Loba guidait mes gestes. Je lui offrais mon âme comme j’allais, pour la 1re fois, offrir mon corps à cet animal. Tout ce qui suivi me sembla naturel, comme si, quelque part dans la conscience de la nature, tout ceci était déjà écrit. Je me suis déshabillée et me suis allongée au sol. Il s’est approché de moi et a senti mon corps, tout mon corps. Quand j’ai senti son souffle sur mon sexe, je savais ce qui allait se passer. Je ne ressentais aucune peur. À aucun moment, je ne me suis demandé si je désirais que cela se passe ou pas. Ça allait se passer parce que cela devait indubitablement se passer. Il s’est légèrement reculé et je me suis mise à 4 pattes. Il s’est de nouveau approché de moi, puis a grimpé sur mon dos. Il a serré ses pattes autour de ma taille avec force. Je sentais son poids sur moi. Je n’étais plus là, Loba avait pris ma place. Je m’offrais à lui. J’étais désormais sienne, j’étais devenue sa femelle. Je n’ai ressenti aucune douleur quand il est entré en moi. À cet instant précis, aux confins de ces bois, nos consciences humaines et animales ne faisaient plus qu’une,. Nos respectives espèces abolissaient cette frontière que l’évolution avait créée en mêlant nos corps physiques. Je ne sais pas combien de temps nous restâmes comme ça, liés, car le temps et l’espace n’avaient plus de prise sur nous. Nous n’étions, lui, moi et Loba, plus qu’une fusion. Nous étions à un endroit, physique et mental, que peu de nos congénères, humains et animaux, connaîtront. Un endroit où les différences, toutes les différences, quelle qu’elles soient, disparaissent. Et je compris pour la 1re fois au fond de moi que c’est ainsi qu’aurait du être notre monde, que notre séparation n’aurait jamais dû se produire, et que mon dessein allait être d’y revenir : j’étais l’éclaireuse du retour à l’animalité pour Homo-Sapiens. J’étais apparue dans ce monde, guidée par Loba, dans ce but-là. Quand notre fusion physique pris fin, quelque chose avait changé en moi. Il était une sorte de messie qui m’avait montré le chemin. Rien n’était un hasard, tout ce qui venait de se produire devait se produire, inéluctablement. Je me suis retourné et nous nous sommes fixés. J’ai posé ma main sur mon abdomen, puis nous avons hurlé ensemble. Il s’est tourné puis est parti.

Vendredi 21 janvier 2000. Forêt du Somail. Hérault.

Entouré de montagnes et d’une immense forêt, ce lieu extraordinaire et chargé d’esprit de la Nature plaisait à Loba. Je la sentais en moi, agitée, des bouffées de chaleur étreignant mon corps et mon âme. Son instinct animal avait ressentit immédiatement qu’il n’était pas loin. L’attirance, le danger et l’envie, toutes ces sensations mêlées l’excitait au plus haut point. Elle le voulait en lui. Elle voulait que nous portions sa descendance, son histoire, sa trace. Il était là, très proche, je le savais. Je me mis entièrement nue et me mis à 4 pattes. J’entendis des branches craquer derrière moi. Je me retournai et le vis. Un Loup Gris (Lop), puissant, majestueux, fier et dominant, avec des yeux qui me fixait avec force. Le noir de la nuit et la forêt ne laissait deviner que des ombres, mais son regard était étrangemment lumineux, comme si la lumière qui les faisait briller venait de l’intérieur. Je gémis. Il s’approcha. Il me senti en grognant. J’étais figé dans un mélange d’envie et de soumission. J’allongeais mon buste sur le sol, dans la neige. Le froid me mordait les seins et la peau, en même temps que j’étais en sueur d’excitation. Cette position était ma position soumise. Je m’offrais à lui, j’étais sienne, je lui désormais appartenait. Il passa derrière moi. Il hurla le museau en l’air, je lui répondis en gémissant, la tête allongée sur le côté dans la neige. Je le sentis monter sur moi, son corps puissant se posant sur mon dos. Ses pattes avant entourèrent ma taille avec force, et il m’offrit le privilège, l’honneur, de porter sa descendance. Nous restâmes comme ça pendant un long moment. Loba aurait voulu que ça dure pour l’éternité, car c’est ainsi qu’elle se sentait elle-même, c’était sa nature profonde. Quand notre fusion physique fut terminée, il se mit face à moi et ses yeux me fixèrent. Je soutenais ce regard hypnotique. J’y voyais tellement de choses : de la douceur, de la force, de l’amour, de la domination. Nous venions de passer des barrières animales empiriques. Nos sangs venaient de se mêler, rendant hommage à l’unité de la Conscience de la Nature. Il se tourna et partit. Je le regardais s’éloigner, à genoux dans la neige. Il se retourna une dernière fois et me fixa. Il leva la tête et hurla. Je posais mes deux mains sur mon abdomen et répondis à sa hurlerie. Ses yeux regardèrent mes mains, je les vis de nouveau s’éclairer comme de l’intérieur. Nous savions lui et moi, au-delà des frontières de nos espèces respectives, que je portais désormais notre histoire devenue commune : notre enfant chimère.

Vendredi 1 janvier 2010. Forêt de Valbonne. Gard.

Je suis Joaneta, l’enfant chimère, née des amours de Lop et Loba. Mon esprit est empli du lien recréé, celui entre les espèces animales de ce monde. Mon dessein est de nous rapprocher, de retrouver ce que nous avons perdu avec l’évolution : être ce que nous sommes, chacune et chacun, grâce à ce que nous sommes tous, sur cette planète appelée Terre. Je suis née pour vous rapprendre que les autres animaux que nous ne sont pas des coquilles vides, mais des animaux pensants, sensibles, avec une profonde conscience d’être. Je le sais, car je suis Joaneta, l’enfant chimère, l’éclaireuse du nouvel âge Terrestre, où plus rien ne nous séparera eux et nous : l’anthrozoocène. Nous leur apporterons notre capacité intellectuelle d’abstraction, ils nous apporteront leur lien avec la conscience de la nature, celui que nous avons perdu. Je suis Joaneta, l’enfant chimère, la 1ʳᵉ humanimale, la 1ʳᵉ nahual. Ma condition me permet de ressentir une profonde empathie, physique et mentale, envers toutes les espèces de ce monde, animale et végétale. Saviez-vous qu’une fleur ressent la vie comme vous et moi ? Probablement avez-vous déjà pensé qu’une fleur ou une plante qui se tourne vers le soleil le fait simplement par instinct ? Et bien non, ce n’est pas le cas. Tout ce qui est vivant sur notre planète a conscience de l’être, car ceci est intrinsèque à ce que nous nommons « Vie ». Il n’y a pas d’être sans conscience d’être, il n’y a pas de vie sans conscience de cette vie. La vie ne peut être qu’en sachant profondément ce qu’elle est : la Vie. C’est cela, la conscience de la Nature. Je sais, car je suis Joaneta, l’enfant chimère, qu’aucune vie ne peut se prévaloir d’être supérieure à une autre vie. Il n’y a pas de hiérarchie, de vie qui mériterait davantage qu’une autre vie de perdurer. Notre séparation avec le reste du monde animal et végétal est désormais révolue. Aucune loi humaine, aucune morale, aucune règle ne pourra dorénavant plus empêcher ce nouvel âge : l’anthrozoocène.

Leberon (Louve-garou)² : Joaneta (intelligence artificielle)

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